Publié dans le Bulletin de l’INTA, 1er décembre 2008, Volume 63 n°22
En l’espace de deux mois, le Tribunal de grande instance de Paris a rendu deux décisions directement contradictoires sur la marque TEXTO, déposée par SFR en France en 2001. Dans la première affaire, le tribunal a jugé que la marque TEXTO n’était pas devenue générique en France depuis son enregistrement en 2001 ; dans la seconde, au contraire, le tribunal a estimé que la marque était déjà l’appellation usuelle et courante des SMS (« short message services ») avant son enregistrement en 2001, et a, par conséquent, prononcé sa nullité. Toutefois, un examen plus approfondi montre que ces décisions ne sont pas si incohérentes, et qu’elles diffèrent en raison des moyens soulevés par les différents défendeurs.
TEXTO c/ HARIKO TEXTO (TGI Paris, 3ème ch. 2ème sect., 30 novembre 2007)
SFR prétendait que sa marque « TEXTO » était contrefaite par une société commercialisant des produits sous la nom « HARIKO TEXTO ». Les produits en question consistaient en des haricots à faire pousser et sur lesquels un message était gravé. Ces produits étaient commercialisés dans des magasins de jouets et de farces et attrapes.
En réponse, le défendeur a demandé au tribunal de prononcer la déchéance de la marque pour dégénérescence. Il prétendait à titre subsidiaire qu’il n’y avait pas de contrefaçon dans la mesure où il n’y avait aucune similitude entre les biens et services concernés.
Concernant la demande de déchéance, le tribunal a estimé que, même si certains éléments prouvaient que le terme « texto » était couramment utilisé par certaines personnes en France en tant que nom commun pour désigner un SMS, le défendeur ne rapportait pas la preuve que la marque était devenue générique ou usuelle pour le public concerné, à savoir les utilisateurs de SMS.
En outre, le tribunal a considéré que SFR démontrait avoir réagi de manière suffisante et proportionnée à l’encontre de l’usage de sa marque par des tiers et a en conséquence rejeté la demande de déchéance de la marque « TEXTO ».
Concernant la contrefaçon, le tribunal a décidé, de manière pour le moins étrange, que les produits (canettes comportant des haricots) vendus sous le signe « HARIKO TEXTO », étaient similaires aux services désignés lors de l’enregistrement de la marque TEXTO de SFR, à savoir « Messagerie écrite pour radio-téléphone ». Les produits désignés par la marque HARIKO TEXTO ont été considérés comme remplissant « la même fonction, communiquer un message alphanumérique, et ne s’en distinguent que par la méthode employée, le haricot supplantant la voie radiotéléphonique ».
TEXTO c/ ONE TEXTO (TGI Paris, 3ème ch. 1ère sect. 29 janvier 2008)
Dans cette affaire, SFR avançait que la marque « TEXTO » était contrefaite par une société spécialisée dans des campagnes publicitaires via SMS. En 2003, cette société avait déposé la marque « ONE TEXTO », pour désigner en particulier des « services de messagerie électronique et téléphonique ».
Le défendeur répondait que la marque TEXTO devait être annulée en raison de son caractère descriptif ou usuel. A titre subsidiaire, le défendeur alléguait n’avoir commis aucun acte de contrefaçon.
Le défendeur produisait plusieurs articles publiés dans des journaux de grande diffusion avant l’enregistrement de la marque TEXTO, et dans lesquels le terme « texto » était utilisé pour décrire un « SMS » (les termes « texto » et « SMS » étant utilisés de manière indifférenciée). Le terme « texto » était même utilisé au pluriel.
Le tribunal en a conclu que, avant même la date d’enregistrement de la marque, e terme « texto » désignait un message court envoyé par le biais d’un téléphone portable et qu’il n’était en aucun cas associé à la société SFR. Par conséquent, la marque « TEXTO » devait être considérée comme un terme courant employé pour désigner les services d’une messagerie au moment de son enregistrement. Le tribunal a donc prononcé la nullité de la marque.