Les redevances versées, notamment en rémunération de droits de propriété industrielle, et plus généralement de droits d’exploitation respectant certaines conditions doivent être immobilisées.
Les conséquences financières d’une telle qualification sont redoutables et peuvent conduire à remettre en cause l’équilibre économique du contrat : les dépenses qui concourent à l’acquisition d’un élément d’actif incorporel ne sont en effet pas admises en déduction pour la détermination du résultat fiscal.
Les conditions cumulatives nécessaires à cette immobilisation ont été posées par l’arrêt SA Sife (CE 21 août 1996, n°154488). Sur le plan fiscal, sont traités comme des éléments incorporels de l’actif immobilisés les droits :
– constituant une source régulière de profit : il suffirait pour que cette qualification soit retenue que les droits soient exploités par le concessionnaire en vue d’en tirer des revenus.
– dotés d’une pérennité suffisante : cette condition est remplie si le bénéficiaire des droits peut escompter la poursuite du contrat pendant une assez longue période. Les juges s’attachent aux stipulations contractuelles pour en déduire le degré de précarité des relations entre le concédant et le concessionnaire.
– susceptibles de faire l’objet d’une cession : le critère de cessibilité recouvre deux natures de droits différents, consistant à permettre au concessionnaire soit de transférer le bénéfice du contrat au profit de tiers, soit de consentir des sous-licences à des tiers.
L’examen des deux derniers critères (pérennité et cessibilité) fait régulièrement l’objet de tâtonnements. La démarche des juges procède d’une analyse économique du contrat et consiste à établir si le contrat confère au concessionnaire des droits patrimoniaux excédant ceux d’un simple usager.
Un récent arrêt du Conseil d’Etat permet de lever une partie du voile et apporte une sécurité juridique accrue aux parties (CE 16 octobre 2009, n°308494, Société Pfizer Holding France). Le contrat portait, en l’espèce, sur la concession d’une sous-licence exclusive de fabrication et de commercialisation de produits pharmaceutiques.
Sur la cessibilité, les stipulations contractuelles étaient classiques et subordonnaient la cession des droits concédés à l’accord préalable écrit du concédant, sauf dans les cas d’une cession à une société appartenant au même groupe ou à un successeur reprenant les activités de la société concessionnaire.
La Cour administrative d’Appel de Paris s’était déjà prononcée sur cette question. Ses décisions sévères pour les contribuables avaient appelé les praticiens à la prudence puisque la Cour avait conclu au caractère cessible et par conséquent immobilisable des droits conférés par un contrat exigeant l’accord du concédant (CAA Paris 27 novembre 2003 n° 99-574 et 20 septembre 2001 n° 98-947).
Appelé à se prononcer pour la première fois sur cette question, le Conseil d’Etat écarte l’argumentation des services fiscaux et reconnaît que les stipulations du contrat de concession conféraient au concédant le pouvoir discrétionnaire de s’opposer à la cession. A cet égard, la seule faculté de disposer des droits au sein du groupe sans agrément était insuffisante à reconnaitre le critère de cessibilité comme rempli.
L’autre intérêt de cet arrêt porte sur la pérennité des droits : les juges de la Haute Assemblée considèrent qu’aucune pérennité suffisante n’était conférée par le contrat conclu à durée indéterminée, résiliable à tout moment sans indemnité sous le seul respect d’un préavis de deux mois. Doivent, en revanche, rester indifférents dans l’analyse, les critères « extracontractuels » tels que les relations capitalistiques ou fonctionnelles existant entre les parties et l’ancienneté du contrat.
Très attendue, cette décision sera l’occasion de mener une revue des contrats portant sur des droits d’exploitation. Les entreprises pourront ainsi tirer profit du cadre fiscal plus sécurisé afin d’assurer davantage de flexibilité dans leurs schémas contractuels, notamment au sein des groupes.