L’article L. 420-1 du code de commerce dispose : « sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à : 1º Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; 2º Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3º Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4º Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». On abordera ci-après, de manière générale, les notions de convention, d’action concertée et de restriction de concurrence ainsi que la question de la définition des marchés dans le contexte de l’article L.420-1.
Accords anticoncurrentiels – notions générales
Principes généraux. Entrent dans le champ de l’article L.420-1 du code de commerce « les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions ». L’application de cette disposition à des contrats en bonne et due forme ne pose à priori pas de problème dès lors que le consentement des parties est avéré. La cour d’appel de Paris a énoncé le principe selon lequel « pour qu’une pratique d’entente (?) puisse être sanctionnée sur les fondements des articles L. 420-1, L. 462-6 et L. 464-2 du code de commerce, [il importe] que les entreprises aient librement et volontairement participé à une action concertée, en sachant qu’elle avait pour objet ou pouvait avoir pour effet d’empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché » [Cour d’appel de Paris, arrêt du 9 janvier 2001]. Tel ne devrait pas être le cas lorsque le consentement est vicié, par exemple parce qu’il a été obtenu sous la menace ou des pressions, sous réserve que ces pressions soient irrésistibles [C Cour d’appel de Paris, arrêt du 17 juin 2003,; Cour d’appel de Paris, arrêt du 7 juin 1990, Décision n°07-D-50 du 20 décembre 2007]. Il a même été considéré, dans une décision relativement isolée, qu’en l’absence d’intention anti-concurrentielle (et donc de consentement), l’adhésion à certaines conventions n’emportait pas nécessairement participation à une entente [Décision 04-D-49 du 28 octobre 2004,; voir aussi la décision n°02-D-76 du 19 décembre 2002]. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’un accord soit constaté par écrit pour tomber dans le champ de l’article L.420-1, dès lors que son existence peut être démontrée par d’autres moyens : par exemple un courrier de l’une des parties montrant que la négociation a abouti et décrivant le contenu de l’accord [Décision n°95-D-59 du 19 septembre 1995, confirmée par la Cour d’appel de Paris, arrêt du 4 juillet 1996]. Par ailleurs, le consentement donné par une partie peut être tacite. Il est alors généralement démontré par le fait que la partie concernée a effectivement mis en œuvre l’accord [Décision n°04-D-12 du 7 avril 2004]. La frontière entre l’acceptation tacite et l’absence d’acceptation d’une pratique unilatérale de l’autre partie est toutefois souvent difficile à tracer (voir ci-dessous). Enfin, on notera que la seule tentative de parvenir à un accord ne devrait pas remplir les conditions de l’article L.420-1, si l’accord n’est pas conclu [Cour d’appel de Paris, arrêt du 9 avril 2002].
Preuve de l’action concertée. La pratique concertée est naturellement plus difficile à démontrer que l’existence d’un accord en bonne et due forme. De pratique décisionnelle constante, notamment en matière de cartels, le Conseil se fonde sur un « faisceau d’indices graves, précis et concordants » démontrant l’existence d’une concertation. Ainsi, la seule démonstration des effets de l’entente sur le marché (par exemple le parallélisme des comportements des entreprises concernées) ne suffit pas. En effet, un parallélisme des comportements peut s’expliquer par d’autres raisons que l’existence d’une entente, tel que par exemple des conditions de marché entraînant un alignement des comportements non concerté. Il faut donc démontrer, par exemple, l’existence de contacts entre les entreprises [Décision n°00-D-39 du 24 janvier 2001; confirmée sur ce point par la Cour d’appel de Paris, arrêt du 13 décembre 2001]. Cette preuve peut être apportée par tout moyen : extraits d’agendas, billets de transport, notes manuscrites, témoignages, etc. A l’inverse, les entreprises concernées peuvent démontrer qu’un comportement suspect sur le marché peut s’expliquer par des facteurs objectifs, tels qu’une hausse du coût des matières premières ou une communauté d’intérêts incitant les entreprises à aligner leurs comportements [Cour d’appel de Paris, arrêt du 15 février 2000; Décision n°03-D-34 du 9 juillet 2003]. On renverra aux sections du présent ouvrage consacrées aux cartels et aux accords de distributions, pour des exemples précis de mise en œuvre de la méthode du faisceau d’indices.
Actions unilatérales. Lorsqu’une entreprise met en œuvre une certaine pratique et que la preuve d’un accord, au moins tacite, d’au moins une autre partie n’est pas rapportée, la pratique en question est une action unilatérale qui n’entre pas dans le champ de l’article L.420-1 du code de commerce. Cet aspect est déterminant en matière de pratiques mises en œuvre dans des rapports de distribution. En effet, la démonstration d’un accord des distributeurs sur les pratiques que cherche à leur imposer le fournisseur est parfois difficile à rapporter. Par exemple, il a pu être considéré que des instructions et des menaces d’un constructeur automobile visant à interdire à ses concessionnaires de pratiquer certains rabais établissaient clairement la volonté du constructeur, mais ne tombaient pas dans le champ de l’article L.420-1 du code de commerce, parce qu’elles n’avaient pas emporté l’adhésion des concessionnaires [Décision n°03-D-66 du 23 décembre 2003]. De même, la cour d’appel de Paris a considéré que la transmission par un fournisseur à son distributeur d’une note dénigrant les produits d’un concurrent, avec une invitation à en faire « le meilleur usage », constituait une action unilatérale. Pourtant, dans cette affaire, le distributeur avait ensuite retransmis l’information litigieuse à ses propres clients, mais il a été considéré que le distributeur avait un intérêt propre à agir de la sorte [Cour d’appel de Paris, arrêt du 15 février 2000]. On renverra à la section dédiée dans cet ouvrage aux accords de distribution sur ce point, concernant en particulier l’application de la jurisprudence communautaire « Bayer » et « Volkswagen ». Mais l’importance de la distinction entre les pratiques unilatérales et les pratiques concertées ne se limite pas au domaine de la distribution. Il a par exemple été considéré, dans une affaire de cartel, que la décision de ne pas commercialiser certains services d’assurance dans le secteur géographique privilégié d’un concurrent pouvait résulter d’une décision unilatérale, en l’absence de démonstration d’une concertation avec ledit concurrent [Décision n°03-D-31 du 2 juillet 2003].
Décisions d’association ou syndicats professionnels. Contrairement à l’article 81 du Traité CE, l’article L.420-1 du code de commerce n’inclut pas expressément dans son champ d’application les décisions prises par des associations d’entreprises. Il est néanmoins considéré que les pratiques imputables à des associations ou syndicats professionnels sont le fruit d’une action concertée entre leurs membres : « le fait que le support d’une entente soit une association ou un syndicat professionnel n’exerçant pas d’activité économique n’exclut pas de lui appliquer le droit des ententes, dès lors que les pratiques ont associé des adhérents qui exercent bien une telle activité et qu’elles sont susceptibles d’affecter une telle activité. Par ailleurs, l’élaboration et la diffusion, à l’initiative d’une organisation professionnelle, d’un document destiné à l’ensemble de ses adhérents constitue une action concertée » [Avis 03-A-18 du 15 octobre 2003]. De même, les statuts et règles de fonctionnement de l’association, ainsi que, d’une manière plus générale « tout acte émanant des organes d’un groupement professionnel, tel qu’un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire » peuvent être qualifiés de conventions ou de pratiques concertées entre les membres de l’association au sens de l’article L.420-1[Décision n°08-D-06 du 2 avril 2008, non encore publiée; Décision n°02-D-60 du 27 septembre 2002, (décision annulée par la cour d’appel de Paris sur un autre motif) ; Décision n°96-D-24 du 9 avril 1996,].
Accords intragroupe. Un accord entre des entités d’un même groupe, par exemple une société-mère et ses filiales ou plusieurs filiales d’une même société entre elles, ne relève en principe pas de l’article L.420-1 du code de commerce « à défaut de volonté propre des parties à l’accord »[ Décision n°03-D-29 du 13 juin 2003]. Cependant, ce principe ne s’applique pas si les entreprises concernées sont suffisamment autonomes. Pour apprécier ce degré d’autonomie, il convient d’examiner plusieurs paramètres, parmi lesquels l’importance de la participation financière de la société mère dans le capital de la filiale concernée, les organes de direction, la possibilité pour les organes dirigeants de la filiale de déterminer librement une stratégie industrielle, financière et commerciale pleinement autonome [Décision n°07-D-12 du 28 mars 2007]. En fonction du degré d’autonomie commerciale des sociétés du groupe, qu’il conviendra d’apprécier au cas par cas, un accord entre ces sociétés pourra donc relever, ou non, de l’article L.420-1. Par exemple, il a pu être considéré, dans le cas d’un groupe opérant sur le même marché à travers deux filiales gestionnaires de deux marques différentes, que les sociétés du groupe formaient « une unité économique à l’intérieur de laquelle les filiales ne jouissent pas d’une autonomie dans la détermination de leur ligne de conduite mais appliquent des instructions qui leur sont adressées par la société mère qui les contrôle » [Décision n°06-D-26 du 15 septembre 2006]. Dans ce contexte, une entente entre les filiales et la société-mère pour décider d’une stratégie commune n’était pas soumise à l’article L.420-1 du code de commerce. Inversement, dans une affaire concernant des accords entre une société et une de ses filiales à 50%, il a été considéré que cette dernière jouissait d’une autonomie suffisante pour que les accords relèvent de l’article L. 420-1 [Décision n° 08-D-19 du 31 juillet 2008]. Il s’agissait d’une entreprise commune de plein exercice, jouissant donc nécessairement d’une réelle autonomie, dont la création récente avait été notifiée au titre du contrôle des concentrations.
Accords intragroupe et appels d’offres. On relèvera une particularité en matière de réponses à des appels d’offres par plusieurs sociétés d’un même groupe : les sociétés du groupe peuvent s’entendre sur une répartition de marchés et une politique commerciale commune, à condition de ne pas présenter par la suite des offres faussement concurrentes lors d’appels d’offres publics ou privés [Décision n°03-D-01 du 14 janvier 2003]. Les sociétés du groupe qui ne sont pas réellement autonomes ne doivent donc pas donner l’apparence trompeuse de se faire concurrence dans le cadre de l’appel d’offres. Il a été spécifié dans une décision de 2006 que ce raisonnement ne s’appliquait qu’en matière d’appels d’offres, car « dans le cas d’un marché classique d’un bien de consommation, la coordination d’offres distinctes d’entreprises appartenant au même groupe et l’absence éventuelle de connaissance, par l’acheteur, de cette coordination ne perturbent normalement pas le mécanisme de formation des prix et le libre choix de l’acheteur entre des offres existant préalablement à la manifestation de son propre besoin. »[Décision n°03-D-26 du 15 septembre 2006].
Parties à l’accord. Contrairement à l’article 81 du Traité CE, l’article L.420-1 du code de commerce ne se limite pas expressément aux accords conclus entre « entreprises ». Il en résulte en principe qu’une entente ou une pratique concertée peut entrer dans le champ de l’article L.420-1, dès lors qu’elle concerne bien une activité de production, de distribution ou de services au sens de l’article L.410-1, même si toutes les parties à l’accord ne sont pas des entreprises. La cour d’appel de Paris a confirmé ce principe dans un arrêt de 2000, précisant qu’au moins une des parties à l’entente doit exercer une activité économique pour que l’article L.420-1 soit applicable [Cour d’appel de Paris, arrêt du 29 février 2000, , ayant fait l’objet d’un pourvoi en cassation rejeté par arrêt du 15 janvier 2002,; voir aussi l’avis n° 2003-A-02 du 18 mars 2003]. Le Conseil de la concurrence a ainsi été amené à se prononcer en 2006 sur la possibilité d’appliquer l’article L.420-1 à un contrat de travail. Il a rejeté cette possibilité, considérant que « même si tout contrat peut être le support d’une entente au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce, il est difficile de qualifier ainsi une relation qui lie un employeur à son salarié, plaçant ce dernier dans une position de subordination qui rend incertaine l’application de la notion d’accord de volonté au sens du droit des ententes » [Décision n°06-MC-02 du 27 juin 2006]. Par ailleurs, les parties à l’accord ne doivent pas nécessairement avoir la personnalité morale. Il peut ainsi s’agir d’une agence ou une succursale, dès lors qu’elle dispose d’une autonomie commerciale et de gestion suffisante pour se comporter comme un opérateur indépendant [Avis n° 2003-A-02 du 18 mars 2003].
Existence d’une restriction de concurrence. L’article L.420-1 du code de commerce interdit des pratiques qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet » de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence « notamment lorsqu’elles tendent à : 1º Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; 2º Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3º Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4º Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». La loi elle-même mentionne un certain nombre d’exemples de restrictions de concurrence, mais cette énumération n’est pas limitative. Dans le cadre du présent ouvrage, qui se veut avant tout pratique, ne sera pas abordé le débat sur la définition souhaitable de ce qui constitue une restriction de concurrence interdite: atteinte à la structure du marché, atteinte au bon fonctionnement du jeu de l’offre et de la demande, atteinte à la liberté commerciale des entreprises, atteinte à la concurrence par les prix, etc. De manière générale, il semblerait que l’autorité française de la concurrence condamne divers types de restrictions de concurrence, sur la base d’une analyse circonstanciée de leurs effets sur les marchés concernés, sans être influencé de façon importante par certaines tendances moins répressives des tribunaux américains influencées par les théories de la « Chicago School »[ Sur les théories de la « Chicago School on antitrust», on se réfèrera aux ouvrages de Robert H. Bork « The antitrust paradox », Free Press (1993) et Richard A. Posner « Antitrust law », University of Chicago Press (2001)]. Le Conseil de la concurrence a ainsi pu condamner aussi bien des pratiques affectant la structure du marché ? par exemple par l’éviction d’un opérateur [Décision n°02-D-39 du 20 juin 2002] ou la restriction de l’accès au marché [Décision n°02-D-60 du 27 septembre 2002, annulée par la cour d’appel de Paris, arrêt du 27 mai 2003, précisément parce que la restriction d’accès au marché n’était pas démontrée] ? que des pratiques affectant le comportement des entreprises, tel que par exemple l’atteinte à la liberté commerciale d’une entreprise [Décision n°00-D-79 du 21 mars 2001] ou des pratiques restreignant la concurrence par les prix [Décision n°04-D-12 du 7 avril 2004].
Objet et effet restrictifs de concurrence: conditions alternatives. L’article L.420-1 du code de commerce interdit des pratiques qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet » de restreindre la concurrence. Le texte de loi prévoit donc deux conditions alternatives tendant soit à l’existence d’un élément intentionnel, l’objet anti-concurrentiel, soit à la démonstration d’un effet au moins potentiel de la pratique [Cour d’appel de Paris, arrêt du 2 avril 2008, concernant la décision n°04-D-48 du 14 octobre 2004]. Le Conseil de la concurrence a consacré à cette question une étude thématique dans son rapport annuel pour 2003, dans laquelle il explique l’application qui doit être faite de cette condition alternative [Rapport annuel du Conseil de la Concurrence pour 2003, pages 55]. Une pratique peut ainsi tout d’abord être condamnée pour son objet anti-concurrentiel, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si elle a eu ou aurait pu avoir de effets : « les accords ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence sont ceux dont la mise en œuvre conduit nécessairement à restreindre la concurrence, si bien qu’il s’avère inutile de démontrer leurs effets concrets sur le marché ». Concrètement, cette approche revient à établir une liste de pratiques considérées comme particulièrement graves et dont il est présumé qu’elles remplissent la condition de l’objet anti-concurrentiel [Voir par exemple la décision n°06-D-03 du 9 mars 2006, en matière de boycott, ou la Décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008, en matière d’accords de distribution]. Ainsi, il est typiquement considéré que « les pratiques qui imposent des prix de revente, limitent la production ou les ventes ont nécessairement un objet anti-concurrentiel, sans qu’il soit besoin de mesurer leurs effets concrets » [Décision n°06-D-37 du 7 décembre 2006, voir aussi la décision n° 07-D-24 du 24 juillet 200, concernant les restrictions de clientèle dans le cadre de contrats de distribution]. Si l’objet anti-concurrentiel n’est pas démontré, il convient d’examiner la potentialité d’un effet anti-concurrentiel. De ce fait, une pratique peut tout à fait être interdite même si l’intention des entreprises concernées n’était pas de restreindre la concurrence [Décision n°08-D-23 du 15 octobre 2008]. Ceci suppose qu’il soit démontré « que la pratique affecte la concurrence ou est susceptible de l’affecter à un point tel qu’il soit possible de prévoir avec une assez bonne probabilité que cette pratique aura sur le marché en cause des effets négatifs sur les prix, la production, l’innovation, la diversité ou la qualité des produits et services. ». On peut également déduire de cette citation qu’il ne faut pas se contenter d’une analyse économique des seuls effets d’une pratique sur les prix, mais également tenir compte d’autres critères, tels que la diversité des produits offerts au consommateur [Rapport annuel du Conseil de la Concurrence pour 2003, page 63 ; Décision n°08-D-03 du 10 février 2008].
Effet sensible. Lorsque la pratique considérée n’est pas sanctionnée du fait de son seul objet, mais en raison de son effet potentiel anti-concurrentiel, elle doit en outre remplir une condition tenant au caractère sensible de cet effet. Après plusieurs années de divergences jurisprudentielles sur cette question, le législateur a inscrit en 2004 dans les articles L.464-6-1 et L.464-6-2 du code de commerce la possibilité pour l’autorité de la concurrence de ne pas poursuivre la procédure contentieuse lorsque « la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l’accord ou à la pratique en cause ne dépasse pas soit : a) 10 % sur l’un des marchés affectés par l’accord ou la pratique lorsqu’il s’agit d’un accord ou d’une pratique entre des entreprises ou organismes qui sont des concurrents, existants ou potentiels, sur l’un des marchés en cause ; b) 15 % sur l’un des marchés affectés par l’accord ou la pratique lorsqu’il s’agit d’un accord ou d’une pratique entre des entreprises ou organismes qui ne sont pas concurrents existants ou potentiels sur l’un des marchés en cause » [ Pour un exemple d’application de ce texte, voir la décision n°04-D-63 du 30 novembre 2004]. Cette possibilité ne s’applique toutefois pas aux pratiques qui visent des contrats passés en application du code des marchés publics ou qui contiennent les restrictions de concurrence caractérisées suivantes « a) Les restrictions qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulées avec d’autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer ont pour objet la fixation de prix de vente, la limitation de la production ou des ventes, la répartition de marchés ou des clients ; b) Les restrictions aux ventes non sollicitées et réalisées par un distributeur en dehors de son territoire contractuel au profit d’utilisateurs finaux ; c) Les restrictions aux ventes par les membres d’un réseau de distribution sélective qui opèrent en tant que détaillants sur le marché, indépendamment de la possibilité d’interdire à un membre du système de distribution d’opérer à partir d’un lieu d’établissement non autorisé ; d) Les restrictions apportées aux livraisons croisées entre distributeurs à l’intérieur d’un système de distribution sélective, y compris entre les distributeurs opérant à des stades différents du commerce ». Ce système n’institue, si l’on s’en tient au texte de la loi, qu’une simple possibilité pour l’Autorité et il ne s’applique pas aux tribunaux statuant indépendamment d’une saisine de l’Autorité. Il est néanmoins probable qu’il permettra dans la plupart des cas de déterminer si la condition de l’effet sensible est remplie ou non. En outre, les seuils de sensibilité prévus par le droit communautaire de la concurrence peuvent également avoir une certaine influence sur le droit français [Communication de la Commission concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne, JOCE C 368 du 22 décembre 2001].