Par Benjamin May et Lise Breteau, avocats au Barreau de Paris
La transposition de la directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 sur les services de paiement est devenue effective en droit français. L’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 qui la transpose a été publiée au journal officiel de la République française n°162 du 16 juillet 2009.
Ce texte intègre au droit français la notion de « service de paiement » et instaure une nouvelle catégorie de prestataires soumis à agrément : les « établissements de paiement ».
L’ordonnance a pour principaux enjeux le « développement de la concurrence et la baisse des coûts » des services de paiement, la garantie d’un système de paiement stable et solide, « l’attractivité de la France pour l’installation des établissements de paiement », la protection des consommateurs et l’accès facilité aux « transferts de fonds des migrants » (Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance, JORF du 16 juillet 2009).
Le nouveau cadre s’inscrit dans une séquence de profondes modifications de la législation bancaire et financière, initiée avec l’Ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009 sur la lutte contre le blanchiment, et qui devrait se terminer avec la transposition de la future Directive sur la monnaie électronique.
Ce que le texte va changer en pratique :
Ce texte ouvre une brèche dans le « monopole bancaire » qui existait traditionnellement en France. A quelques exceptions près, le droit français réservait aux banques la possibilité d’émettre des moyens de paiement ; désormais, des acteurs non bancaires pourront intervenir dans le secteur des services de paiement.
Ce faisant, le droit se met en conformité avec une pratique déjà largement répandue, puisque de nombreux acteurs des paiements exerçaient leurs activités en ignorant, jusqu’à présent, une réglementation bancaire inadaptée. L’ordonnance sur les services de paiement devrait entraîner une vigilance accrue des autorités de régulation, puisque les acteurs non bancaires disposent désormais d’un cadre adéquat pour exercer leurs activités. La volonté affichée de la Banque de France est de faire entrer un maximum d’acteurs dans une sphère réglementée.
A noter que ce texte ne réglemente pas les titres de services, alors que cela avait été envisagé initialement. Les incertitudes sur le régime juridique applicable à certaines activités, telles que les chèques ou cartes cadeaux, restent donc entières.
Les grandes lignes du texte sont décrites ci-après.
Création des services de paiement
Une liste limitative de services. Le nouvel article L. 314-1 du code monétaire et financier établit la liste des services qualifiés de services de paiement, qui pourront être prestés par les « établissements de paiement ». Il s’agit en substance de :
– l’exécution d’opérations de paiement associées à un compte telles que virement, prélèvement, paiement par carte ou par tout autre dispositif numérique ou de télécommunications, par exemple un téléphone mobile ;
– la gestion de comptes dédiés à la réalisation d’opérations de paiement ;
– l’octroi de crédit, tant qu’il demeure accessoire à une opération de paiement ;
– les services de transmission de fonds, d’émission d’instruments de paiement ou encore l’acquisition d’ordres de paiement.
Statut applicable aux etablissements de paiement
Des obligations financières légères. Les établissements de paiement doivent avoir un capital minimum compris entre 20.000 et 125.000 euros, selon leurs activités et des fonds propres permanents proportionnels aux en-cours ou aux produits et charges liés aux services de paiement.
L’obligation de protéger les fonds des clients. Les établissements de paiement doivent déposer les fonds des clients sur des comptes bancaires ou les placer en actifs à faible risque ; ces fonds ne sont pas affectés en cas de procédure collective ouverte à l’égard d’un établissement de paiement.
En outre, ils sont tenus de souscrire une garantie financière ou une assurance spécifique pour garantir les clients contre toute défaillance. L’ensemble des modalités de protection des fonds doit être communiqué à la demande des clients.
Application de la réglementation bancaire. Les établissements de paiement sont soumis au contrôle interne, aux règles de lutte contre le blanchiment, à des obligations comptables spécifiques, au secret professionnel, etc. Ils sont soumis au contrôle de la commission bancaire. Ils bénéficient du « passeport » pour exercer leurs activités dans l’espace économique européen.
Révision des statuts dérogatoires
Modification de l’exception « monoprestataire ». L’exception prévue à l’article L. 511-7, I, 5°, qui bénéficiait à l’émission de bons et cartes par toute entreprise « pour l’achat auprès d’elle, d’un bien ou d’un service déterminé », bénéficie désormais également aux « entreprises liées avec elle par un accord de franchise commerciale ».
Modification de l’exemption « multiprestataire ». L’exemption prévue à l’article L. 511-7, II applicable aux cartes de réseaux dits « privatifs » n’est plus subordonnée à l’existence d’« étroites relations commerciales ou financières » entre l’émetteur et les accepteurs ; elle sera désormais accordée à raison du caractère « limité » du réseau d’acceptation ou de l’éventail de produits ou de services concerné. Ce texte s’applique uniquement aux moyens de paiement « bancaires ».
L’article L. 521-3 introduit une disposition similaire en faveur des instruments de paiement constitutifs de services de paiement. Les deux régimes se distinguent en ce que le premier requiert toujours une exemption expresse du CECEI, alors que le second est soumis à une simple déclaration au CECEI.
Harmonisation et renforcement de la protection des consommateurs
Réglementation applicable à tous les « prestataires de services de paiement ». Tous les établissements agréés sont qualifiés de « prestataires de services de paiement », soumis à une réglementation unifiée dans leurs relations avec les clients.
Règles unifiées. Les relations contractuelles ainsi que les règles d’autorisation, d’exécution, d’opposition sont élargies et unifiées pour tous les moyens de paiement électroniques et opposables à tous les prestataires de services de paiement. Ces règles seront complétées par les règles techniques SEPA établies par l’industrie bancaire.
L’articulation avec la monnaie electronique
L’ordonnance sur les services de paiement précise que les établissements de paiement n’auront pas la possibilité d’émettre de la monnaie électronique. Or, la Banque de France ? tout comme la majorité de ses homologues européens ? considère que certains instruments de paiement tels que les cartes prépayées, relèvent de la réglementation sur la monnaie électronique. En outre, la réglementation sur les services de paiement exclut de son champ les instruments papier.
Il faudra donc surveiller l’évolution de la doctrine du régulateur pour voir dans quelle mesure les titres de paiement prépayés ne pourront pas également, à l’avenir, relever du régime des services de paiement.
Entrée en vigueur
L’ordonnance entre en vigueur le 1er novembre 2009, sous réserve des textes réglementaires d’application qui devraient être publiés au mois de septembre 2009.