Par un arrêt du 7 septembre 2022 (n°20-22.118), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire État de Libye c/ Sorelec, confirmant certains points de sa jurisprudence récente sur le contrôle de la conformité d’une sentence à l’ordre public international par le juge saisi d’un recours en annulation ou d’un appel contre l’ordonnance d’exequatur.
Le litige au fond avait pour origine un contrat conclu entre Sorelec et le ministère de l’enseignement de l’État de Libye pour la construction d’écoles et de logements. Un protocole d’accord avait été conclu à la suite d’un litige sur l’exécution du contrat, fixant le montant de la créance de Sorelec. Un arbitrage a été engagé par cette dernière pour obtenir l’homologation du protocole et le paiement des sommes dues par l’Etat de Libye. La sentence a été rendue en faveur de Sorelec. L’État de Libye a alors formé un recours en annulation devant la Cour d’appel de Paris, invoquant notamment une violation de l’ordre public international en ce que la sentence donnerait effet à un contrat entaché de corruption.
La Cour d’appel a annulé la sentence, estimant qu’il existait un faisceau d’indices graves, précis et concordants de corruption dans le cadre de la conclusion du protocole. Les indices retenus portaient sur la situation politique de la Libye à la date du protocole, le contournement volontaire des procédures applicables par le ministre ayant signé la transaction, l’absence de trace de négociations pendant la période précédant immédiatement la signature du protocole, ainsi que les termes du protocole qui paraissaient très déséquilibrés.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cette décision, dans la lignée de la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris, déjà confirmée par la Cour de cassation le 23 mars 2022 dans l’affaire Belokon c/ République du Kirghizistan. Il a notamment été jugé que le juge du recours n’était pas tenu de rechercher si l’État libyen aurait fait preuve de déloyauté en n’invoquant pas la problématique de la corruption devant les arbitres, dès lors que « le respect de l’ordre public international de fond ne peut être conditionné par l’attitude d’une partie devant l’arbitre ». En outre, la Cour de cassation a confirmé l’absence de limitation des pouvoirs de la cour d’appel pour rechercher, en droit et en fait, tous les éléments concernant la contrariété invoquée à l’ordre public international, y compris en examinant des pièces qui n’avaient pas été précédemment soumises aux arbitres.
Cédric de Pouzilhac & Marion Carrega